Quand les montagnes se transforment en briques

En janvier j’ai eu la chance de partir grimper en Chine sur des falaises dont j’avais entendu parler depuis longtemps. Après avoir atterri à Hong-Kong, j’ai pris la direction de Shenzhen, puis de Guiyang pour atteindre Getu Hé, la région où nous nous étions donnés rendez-vous avec mes partenaires d’expé. Durant ce trajet j’ai pris conscience de la politique menée par la Chine pour développer ses villes.
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Ce pays a une grande population et la pauvreté des campagnes poussent de plus en plus de gens à migrer vers les villes. Nous assistons donc à un exode rural massif. On ne parle pas de quelques milliers de nouveaux habitants par an et par ville, mais de plusieurs millions de personnes. Il y a donc une frénésie qui s’est développée autour de la bulle immobilière des grandes villes. Des gratte-ciels poussent comme des champignons, avant même de savoir s’ils seront remplis par l’exode rural. Ils sont construits à une telle vitesse qu’aucune planification de l’aménagement du territoire n’a été faite, pas plus qu’une réflexion concernant le respect de l’environnement. Le but est d’aller vite et ça se sent. C’est mal isolé, mal conçu, mais c’est pas cher …

L’autre problème lié à ces habitations construites à toute allure est leur emplacement. Pour créer des villes cohérentes avec des rues droites et des angles, on va jusqu’à détruire des pitons rocheux karstiques pour aplanir le terrain et récupérer ces cailloux pour d’autres usages. Autour des villes, c’est toute une nature qui disparait à tout jamais à coup de dynamite et de pelleteuse au service d’un ordre plus grand. L’Homme n’étant plus limité par la nature, il la détruit car il en a peur. Les angles et les droites sont rassurantes, par rapport aux courbes chaotiques offertes par dame nature.
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Avec cette population qui migre vers les villes, un autre phénomène frappant en Chine est l’augmentation de la classe moyenne. En soi, c’est une bonne chose car de plus en plus de gens ont accès à un certain confort de vie. C’est évidement surtout dans les villes que ces nouveaux « riches » apparaissent. Mais la croissance massive de cette classe moyenne a également un impact négatif.
Ils ont désormais les moyens de se payer du temps libre. Comme chez nous, ils sont à la recherche de loisirs en tous genres. Comme beaucoup ne sont jamais sortis de leur ville natale, ils veulent découvrir ce qui se passe ailleurs et le tourisme est en plein boum économique suite à ça. Mais de quel tourisme parlons-nous? Il est évident que les gens veulent du confort. Certains sont prêt à payer le prix plein, d’autres veulent un confort le moins cher possible. Et enfin, les sociétés de tourisme veulent se faire les plus grande marges possibles.
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On assiste dès lors à un développement des campagnes qui deviennent dans certains endroits des centres à touristes offrant tout le confort espérés par ceux-ci. Ce développement se fait malheureusement en mettant plus de priorité sur la rentabilité que sur le respect de l’environnement. C’est ainsi que j’ai pu tristement voir des montagnes découpées auxquelles on ajoute d’énormes routes et la construction d’hôtels immensément démesurés dans des fonds de vallée où la quiétude et le calme sont en voie de disparition. Le plus triste dans tout ça, ce sont les villageois qui assistent à ce développement touristique sans pour autant pouvoir profiter de ces opportunités économiques.
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Mais vous êtes encore loin d’imaginer le summum de l’absurde. C’est en partant à la découverte de la grotte de Getu Hé que je suis tombé à la renverse. En effet, comme le touriste en veut pour son argent et souhaite atteindre les endroits les plus beaux sans le moindre effort, on fera tout pour lui dérouler le tapis rouge, vu qu’il paye cher et vilain. L’entrée de cette grotte que nous avons découvert offre un chemin bétonné pour accéder à l’intérieur, et plus loin, là où se trouve le puit de 200m de haut qui éclaire le fond de la grotte, un ascenseur de 200m de haut pour permettre aux touristes de sortir par le puit sans effort… mais aucun touriste à l’horizon, hormis les 3 belges que nous étions.
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C’est une vraie catastrophe écologique à laquelle nous avons assisté. Non seulement il n’y a pas de réflexion poussée sur l’impact environnemental des constructions qui sont faites à toute allure, mais en plus ce sont des dégâts irréversibles occasionnés à des endroits qui possèdent encore un peu de wilderness. Celle-ci disparaît à tout jamais dans les mémoires de ceux qui ont connu comment c’était avant ! Mais peut-être que ce qui se passe là-bas nous choque de la même manière que le projet de téléphérique du Mont-Blanc au début du siècle dernier ou l’équipement de la voie du « El Compressor » au Cerro Torre en 1970.
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Même s’il est tentant de s’indigner contre ce qui se passe au loin, il est important de se rappeler que le développement des ces régions peut uniquement se faire grâce a son engouement touristique. Bien qu’en Europe nous avons déjà une grande expérience dans le développement touristique doux et respectueux de l’environnement, nous avons encore des ratés. Il est clair que nos amis chinois ne partagent ni nos priorités, ni notre approche de l’environnement. Mais si on se cantonne a critiquer l’emprunte écologique de leurs projets, nous pourrions également remettre en question bon nombre de nos modes de vie, tel que partir en vacances en avion par exemple.
Face à ce constat je pense que nous devons prendre conscience de l’impact du tourisme sur l’environnement, et ceci à plusieurs niveaux. Il y a évidement l’emprunte écologique du touriste lui-même ainsi que l’éducation au respect de l’environnement, aspects auxquels nous sommes de plus en plus sensibilisés en Europe. Mais il y a aussi l’impact indirect du voyageur qui à travers sa présence attire les grosses sociétés touristiques à la recherche de bénéfices et pas forcement inquiets pour la nature.

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