En route pour le Karakol Peak (5200m)

Jour 1

Apres quelques jours de repos a Karakol il etait temps de repartir en montagne respirer l’air pur de ces montagnes qui sont la au dessus de nos tetes et voir si la meteo ne serait pas plus clemente pour nous cette fois ci.

C’est donc le 18 juillet que nous avons trouve un chauffeur pour nous amener a Jeti-Ogut qui est le dernier village dans la vallee que nous voulons attaquer. Malheureusement impossible de trouver un chauffeur de voiture pret a transporter 5 alpinistes avec tout leur barda dans une seule voiture. (Ici on sait charger les ladas, mais quand ils peuvent vous demander un supplement bagage, ils n’hesitent pas).

Des lors on dois prendre un minibus qui est evidement plus cher et beaucoup trop grand pour nous. Apres negociation on parvient a obtenir, plutot que de payer un minibus de 1200 som (1 som vaut environ 1 franc belge) d’avoir une voiture de qui fasse 2 allez retour pour 800 som seulement (30min de route depuis le camping) : allez comprendre la logique??

Arrive a Jeti-Ogut a 12h30, on se fait donc un « petit » resto avant de commencer a marcher. Ce ne sera que vers 14h aue la marche en tant que telle pourra commencer. Nous marchons le long d’une piste carrossable en voiture et ou visiblement les gens de la valee aiment venir passer l’aprem quand il fait beau. Autant vous dire qu’il y a du monde sur le chemin. Sans compter le Yurt-Camp touristique un peu plus haut qui rameute la blinde de touristes souhaitant decouvrir la vie a la dure … hum …

Apres une heure de marche nous croisons des Kirghizes en train de danser a cote de leur Lada avec la misique « vollen bak » (comme on dit chez nous), on s’approche … ils sont une bonne 15aine et nous invitent a danser avec eux directement et surtout a affoner de la vodka avec eux. (Y’a mieux pour se donner du courage pour marcher … mais bon … en bon LLNois, ce ne sont pas les propositions que l’on refuse). Apres 2 shots chacun et quelques images dans la camera on arrive a s’arracher.

Un peu plus loin, pensant qu’on arrivea une des derniere yourtes de la vallee je propose d’aller acheter du Kumis (sorte de lait de jument fermente). En effet, j’en avait encore jamais goute … et entre Jean-Claide qui dit que c’est imbuvable et Quentin qui avait plutit l’air de dire que c’etait bon il fallait que je me fasse mon avis.

Finalement ce ne sera pas le meilleur Kumi9s que j’aurais goute sur tout le voyage, mais j’ai pas trouve le gout si desagreable.

En fin de journee on s’est trouve un petit endroit de campement absolement genial entre les arbres et le long de la riviere. Un petit feu … des pates … une petite salade de tomates-concombres … et hops … au lit … 😉

Jour 2 (19 juillet)

Hier la journee fut paisible avec 3h de marche en tout. Aujourd’hui on doit faire le double selon la carte. Il n’est donc pas question de trop trainer. Apres quelques recherches d’itineraire en debut de journee avec un paysab qui nous dit que tout droit ca passe pas, y’a pas de chemin, y’a de la neige (ben oui, justement nous on veut aller jusqu’au glacier) mais lui il dit que c’est pas possible. Apparement il ne voit pas beaucoup d’alpinistes dans le coin, ce sont plutot tous des randonneurs. On rentre finalement dans un decor somptueux digne du film du seigneur des anneaux dans une vallee tres encaissee avec des chevaux qui broutent en totale liberte des deux cotes de la reiviere et une yourte de temps en temps.

Premiere pause de la journee au premier bloc et Erwin et moi ne tardons pas a grimper toutes les face de ce bloc de granite en botines. (On ne nous changera pas 😉 )

Un peu plus loin, Christine et Quentin s’arretent pour acheter de l’ayran (sorte de yahourt frais) dans une des derniers yourtes de la vallee. Et alors que moi et Erwin ont mis le turbo et sommes deja loin devant dans la vallee, Christine et Valerie arrivent a negocier avec 3 jeunes de la yourte pour mettre leur sac sur le dos d’un cheval (l’egalite des sexes c’est pas pour tout de suite 😉 ) Les 3 jeunes decident de nous accompagner car l’un d’entre eux n’a encore jamais vu le glacier et aimerait bien le decouvrir. Bref, nous voila maintenant avec une equipe de 8 + un cheval.

Vers midi on partage notre bouffe et ils nous proposent du Kumis (ben tiens…) Mais cette fois le Kumis avec du sucre c’est quand meme VACHEMENT bon !!! Idem pour l’ayran. Meme si le dialogue n’est pas toujours facile on marche quand meme ensemble. Apres un moment ils nous disent de deposer nos sacs et nous font traverser la riviere a dos de cheval. Ils nous enmenent jusqu’au pied d’une superbe cascade un peu plus haut dans la vallee. C’est vraiment beau la wilderness. Et dans le pierrier Erwin a l’occasion de nous expliquer pleins de trucs en matiere de geologie. Apparement ici y’a vraiment une variete dingue de pierres … c’est parfois bien d’avoir un geologue avec soi !!!

Apres une longue pause sur place ils nous accompagnent encore jusqu’au pied de la morraine et nous indiquent un bon endroit ou placer nos tentes. On echange les adresses etr ils retournent dans la vallee en direction de leur yourte a 3 sur le meme cheval. Bravo au cheval qui a du avoir une dure journee !!!

Avant de preparer la bouffe, Erwin et moi avons vu un chouette bloc sur l’autre rive et il faut qu’on aille y jeter un oeil. On part donc a la recherche d’un bon endroit pour traverser. Greg en botines et Erwin avec ses nouvelles sandales achetees deux jours plus tot a Karakol. Finalement on trouve un endroit ou ca passe tres limite en sandales, mais pas en botines. Erwin va donc tester le bloc tout seul . Pour traverser dans l’autre sens le passage est nettement moins evident. Les rochers sont mouilles et glissent pas mal. Erwin decide d’enlever ses sandales pour passer a pied nus, mais, manque de bol, il fait tomber une sandale dans la riviere. Je vois encore le visage d’Erwin se decomposer et le voir courir sur la rive … mais rien a faire, le courant est trop fort. Il decide donc de jeter sa deuxieme sandale dans la riviere aussi. Comme ca si quelqu’un cherche des sandales dans la riviere il aura au moins la paire complete !!
Bref, un petit repas, pates, salade de tomates-concombres et soupe … et de nouveau au lit pour ne pas perdre les heures de sommeil precieuses.

Jour 3 (20 juillet)

Aujourd’hui on passe a une etape plus serieuse. C’est le moment ou on passe du monde mineral au monde froid et hostile du glacier (non, pas le glacier chez georges au coin de la rue … le glacier avec des crevasses et tout …) En effet avancer dans la vallee c’est necessaire, mais c’est pas tout … maintenant il est temps de prendre de l’altitude. On n’a pas encore depasse les 2800m et les sommets qui nous surplombent sont encore tres impressionants face a mon metre 95 … c’est pas tout les jours qu’on a une face nord de plus de 2000m de haut devant son nez ! Par rapport a Freyr avec ses 120m de haut au point le plus haut c’est pas tout a faire le meme folchlore 😉

En route donc pour la morraine … a la recherche de kairns (petit tas de pierre qui indiquent le chemin) qui n’existent pas (pas facile de distinguer un tas de pierre dans un pierrier …). Finalement avec Quentin on trouve ce qui ressemble le plus au chemin le plus probable. Sur toute une partie de la montee je m’amuserais a faire des kairns pour les suivants. Au moins ca nous aidera a la decente. Nous voila maintenant face aux glaciers… mais lequel prendre???

Il faut savoir que dans les Alpes, les sentiers sont balises, marques sur la carte, avec des cartes de 1:25000, qu’il y a plein de monde et que y’a pqs 36 chemins differents pour aller au sommets. Sans parler des topos super precis qu’on trouve dans toute bonne librairie de montagne.

Au Kirghizstan… tout ce qu’on a c’est une carte au 1:100 000 qui n’est meme pas tout a fait exacte et quelques vagues conseils des bergers qui n’y connaissent rien a la montagne. En d’autres mots, nous sommes vraiment livres a nous meme avec notre experience de montagne dans les Alpes. C’est ici que la notion de « recherche d’itineraire » prend tout son sens!! Finalement le choix du glacier sur lequel monter est fait (en effet, y’a pas qu’un seul glacier pour arriver au sommet). Ensuite comment l’atteindre?? Je prend la decision de prendre par la gauche … ce n’est que plus tard qu’on verra que ca passait mieux au milieu … bah, l’important c’est que ca passe 🙂

Ensuite sur le glacier … des grosses barrieres de crevasses nous barrent le chemin. J’ai beau essayer d’en contourner un maximum, il y a un moment ou on n’a plus le choix, il faut en franchir. Heureusement elles ne depassent pas les 1m de large aux endroits ou nous passons mais c’est toujours assez sympa pour les nerfs de cotoyer les entrailles du glacier d’un peu plus pres 😉

Apres les crevasses, nos efforts ne seront pas encore recompenses. Une neige de printemps degueulasse sur toute la suite du parcours nous separe du col qu’on voudrais atteindre. On pose le pied … on tasse bien … on tranfert le poid sur le pied avant … et des qu’on leve le pied arriere, le pied avant s’enfonce encore de 20cm dans la neige a chaque pas. Par endroit j’ai de la neige jusqu’au cuisses. Faire cette trace est vraiment tuant.

On n’arrivera pas au col et on plantera les tentes un peu avant dans un endroit a l’abri des dangers objectifs de la montagne. A peine ayant termine notre petit repas de paytes, salade de concombres (y’a plus de tomates) et soupe … un enorme orage se leve a l’ouest et avance tres distinctement vers nos minuscules petites tentes dans une arrene de sommets a plus de 5000m. Nous sommes a 4000m environ.

C’est flippant au debut … la pluie se dechaine, mais le vent reste raisonable et je m’endors avant la fin de l’orage, berce par le bruit de la pluie sur la tente 🙂

Jour 4 (21 juillet)

Aujourd’hui on aurait bien voulu tenter le sommet pour montrer notre attachement a la fete nationale belge … mais malheureusement 1200m nous separe encore du sommet du Karakol Peak et les faire en un jour est totalement infaisable. Surtout a cette altitude.

Nous sommes un peu fatigues, donc on ne demonte pas les tentes et on decide de partir faire une trace pour se faire une idee de l’itineraire qu’il nous reste, voir un peu comment ca passe et nous faciliter la tache pour le lendemain. On arrive vite au col mais la trace est tres difficile a faire. On est quand meme a plus de 4000m d’altitude et avec cette neige de merde c’est vraiment crevant. Apres 2h de tracage on est finalement a 4300m et la visibilite est tellement merdique qu’on redescent … on est en plein dans la puree de pois, du coup, impossible d’avoir une idee de la suite de l’itineraire. Parfois, pendant la montee on doit meme s’arreter 5min et attendre une petite eclaircie dans le whiteout pour pouvoir avancer correctement.

Cette journee n’a pas ete tres productive… mais qu’importe, on a deja une bonne trace, ce qui est non negligeable.

Le soir, retour aux tentes et on bon repas nous attend: pates, soupe, salade de concombre (cette fois c’est la fin des legumes frais … on termine). Le vent a change de direction, le temps est incertain … j’aime pas ca .. mais si demain il fait beau, on leve le camp et on monte plus haut avec les tentes.

Jour 5 (22 juillet)

4h du matin … le reveil sonne respectivement dans nos 2 tentes. Erwin sort le nez de la tente :

  • Erwin : Putain on n’y voit rien, on est dans la puree de poivre
  • Greg : Quentin … qu’est-ce que tu proposes?
  • Quentin : Ben la meme chose que toi??
  • Greg : Ok, je met mon reveil a 5h pour une seconde tentative … bonne nuit

5h du mat … Erwin sort le nez de la tente :

  • Erwin : Bon les gars, mauvaise nouvelle, aucune evolution …
  • Greg : Quentin? Reveil 6h?
  • Quentin : Ok! Reveil 6h!

6h du mat … il drache … ca y’est j’ai compris, le vent vient d’ouest. C’est la drache nationale belge qui debarque avec un jour de retard :

  • Greg : Quentin? 7h?
  • Quentin : Ok!

7h du matin … il pleut toujours … eh merde … decidement la meteo est pas top dans le coin. On est a 4000m d’altitude et on n’a meme pas de neige. C’est pas ca qui va arranger les conditions d’enneigement qui sont deja pas fameuses a la base. Inutile de causer a Quentin, on a tous compris, on eteind les reveils et on dors jusqu’a plus soif … ou devrais-je dire « jusqu’a plus fatigue »?

Finalement c’est vers 12h que Quentin et Christine craquent et sortent de leurs tente : vous avez faim? Si on se faisait un brunch? Il pleut toujours et ca a pas l’air de se calmer …

A 5 dans ma tente avec un bol de poridge, du pain, du fromage, du saucisson et du the sous une pluie toujours aussi tenace on peut dire que ca met de l’ambiance. Une journee de perdue dans la tente a glander, a delirer, a lire, a ecrire …

La pluie ne va faire qu’empirer pendant toute la journee, et apres un souper de pates (comme pour changer) le vent va se lever. Legerement au debut … plus fort ensuite. Au debut on s’endors, toujours dans l’espoir que cette fois ci on pourra se lever a 4h sous un beau ciel etoile …

Jour 6 (23 juillet)

Ce n’est pas vers 4h, mais bien vers 1h du matin que je me leve… avec le boucan qu’on entend j’ai l’impression qu’a chaque bourasque ma tente va s’envoler. Un vent d’environ 80-90km/h nous tombe sur la gueule par grosse rafales … impossible de fermer l’oeil. D’autant plus que les coutures de la tente percent un peu et il fait pas chaud.

Vers 2h je tiens plus, quelques sardines se sont deja arrachees, si je sors pas de la tente, c’est tout qui va s’envoler … et j’y tiens a ma nouvelle tente. Faut dire qu’on avait pas fait tres attention en la montant il y a 2 jours n’imagineant alors pas qu’on allait avoir un tel vent.

Je prend donc mon courage a 2 mains et j’enfile ma veste pour renforcer la tente dehors. J’entend Quentin dans sa petite tente une personne et demi (dans laquelle ils dorment a deux) qui ne fait pas non plus grande mine. Je renforce donc tous les tendeurs de notre tente ainsi que ceux de la tente de Quentin. Parfois quand une rafale arrive je suis oblige d’arreter de travailler tellement je dois me retenir pour pas tomber. Une heure plus tard j’ai les doigts geles (j’aurais du mettre autre chose que des betes gants en soie pour creuser dans la neige) et je retourne dans la tente.

Nous dormirons bien le reste de la nuit, mais Quentin lui a du tenir sa tente pendant toute la nuit. Ils ont fait des tours et lorsque l’un tenait la tente, l’autre dormais, et vice versa. Le reveil a 4h, personne ne l’entendra et on se reveillera le matin, encore toujours sous les bourasques de vent. Il faut qu’on bouge, je crois que le message est clair … on est en plein orage, il ne neige toujours pas a 4000m d’altitude et on a le moral a zero …

Meme si se preparer dans le froid et le vent n’est pas evident, il faut se forcer un peu. Tant pis pour le poridge ce matin, le rechaud est impossible a allumer avec ce vent et ce froid. On mangera en bas. C’est vers 11h que la cordee est formee et qu’on a tout rembale.

Les crevasses traversee a la montee sont dans un etat pitoyables et dangereuses. Les pont de neige ont fondu et les conditions sont vraiment foireuses. Finalement je prend la tete de la cordee pour trouver un autre chemin qu’a l’aller. On contournera en passant dans un couloir avalancheux de cailloux … heureusement on ne traine pas trop dedans et rien ne canarde.

Arrive en bas du glacier, une bonne pause meritee nous permet de nous rassasier et de se remettre a l’aise. Evidement le vent s’est calme, mais on est toujours dans le brouillard. On marchera encore 3h pour arriver un peu plus bas que la morraine et mettre notre camp dans un bel endroit tranquille. On est tous sur les genoux, mais finalement c’etait quand meme toute une experience !!

Jour 7 (24 juillet)

Ce matin on est cool, on ne se stresse pas et on attend de faire secher la tente et les affaires avant de se remettre en route pour la vallee.

C’est toujours dur de descendre car le sac est lourd et donc d’autant plus desagreable a porter avec le choc de chaque pas qui nous ramene inexorablement vers cette civilisation que nous avons quitte il y a 7 jours deja. On n’a pas envie … on regrette ce sommet qui s’eloigne une fois de plus sans avoir ete vaincu … mais une chose est sure … on reviendra !!!

Un commentaire

  1. Hey !!!!! Ca donne trop envie tout cela. Moi qui me suis arrete au randonnee de quelques jours dans les Alpes, je reve du glacier !!!! Si un jour tu relances un trek ou on n’a pas besoin d’avoir des competences en escalades, je marche bien et suis plus que motive…
    Tiens moi au courant please !!!!

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  2. Salut Greg,

    Et bien quand je lis tout ca, je me dis qu’il n’y a rien à faire mais la nature reste la plus forte. Vaincre un sommet n’est pas évident.
    Bonne chance pour la suite !

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  3. Mon gars, nous sommes suspendus à l’exposé de vos aventures. Je n’ai pas de mots pour te dire combien on pense à vous tous les jours. J’admire aussi ton courage et ta lucidité quand il faut choisir face aux difficultés et aux dangers de la environnants. Un renoncement n’est pas une défaite mais une victoire de la réflexion. Tous nos souhaits t’accompagnent.

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  4. Merci a tous pour vos commentaires 🙂 ca fait toujours plaisir … Je pense en effet que le sommet d’une montagne, bien que important n’a jamais ete pour moi l’objectif final d’une expe.

    Une expe reste et doit rester une ecole de vie qui nous permet de se confronter a des instances plus fortes que nous. Parfois c’est la nature qui nous remet a notre place. Parfois c’est le groupe … parfois aussi l’ambiance du groupe est aussi un obstacle. Je crois qu’ici on a fait le bons choix et que grace a ca l’ambiance reste au grand beau !!!

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  5. wooow… je réalise tj pas à quel point il faut être solide pour faire un truc pareil… ou alors complètement fou (lol :p ) mais c’est incroyable… Une semaine comme ça, c’est dingue!! à chaque fois lire les aventure de ton groupe ça donne une grande gifle; une grande gifle d’air frais, d’endurance, et de cran! Une vraie leçon! j sais pas si je l’ai déjà dit mais chapeau! et surtout, respect!

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